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Quand la poésie est « sel de la vie »

Mercredi 7 décembre 2016

La poésie de Monia Boulila nous interpelle, et avec force, avec la charge de son contenu, la force de ses images poétiques, sa musicalité profonde et le choix de son lexique. Une poésie qui nous invite avec grâce et grand charme, pas seulement à la lire mais aussi à l’écouter, à l’entendre, à la voir et la toucher, et surtout à faire halte avec elle pour saisir chaque nuance, chaque silence, et chaque mot, qui est un événement en soi. Les mots chez Monia sont espace, temps, histoire et mouvement à l’infini.

Douze poèmes qu’elle nous sert. Déjà le nombre 12 ne nous laisse pas indifférents  et d’emblée nous sommes livrés à nos destinées croisées. Il trace un chemin codé  et  revêt une symbolique très forte ; il est gorgé de nuances qui voyagent dans le culturel et le cultuel, il nous renvoie vers des mythes et des légendes. 12 est un chiffre annonciateur, et révélateur de quelque chose de mystérieux. Il nous situe et nous localise dans le temps et avec le temps : douze heures, douze mois, douze étoiles… Mais aussi nous renvoie vers le mythique et le religieux où la symbolique est très présente (ils sont douze les apôtres dans l’Evangile son, Les fils de Jacob dans l’Ancien Testament sont douze, et ils sont douze imams qui succèdent au Prophète Mohammad dans le culte Chiite).

Avec ses douze poèmes,  Monia nous fait plonger directement en cet art qu’est LA POESIE. Une poésie qui fait l’éloge de la poésie.

Mon poème mon Ile de l’oubli sur ta rive calligraphiée

le silence est psaume printanier

Un faire artisan d’une parole, d’un ensemble mélodique, d’une palette de couleurs et d’un diaporama d’images : l’art de représenter le silence, celui des lieux visités, celui de la méditation.

Une poésie qui fouine dans  l’existentiel et le questionnement éternel sur  le sens de la vie. Une poésie qui crie le cri du  silence.

Sur l’océan doré

le silence bat le rythme de la lune

Les vagues renaissent cristallines

Miroirs aux souffles infinis

chaque instant, une vie.

chaque repli, un trésor

chaque pas, un voyage

chaque étoile le mirage.

Mais les silences de Monia portent, et donnent naissance au désir tantôt charnel et douloureux qui enfante souffrances et cauchemars, tantôt désir créateur de joie profonde. Le poème exprime alors ce désir et dit sans la nommer la passion avec ses propres mots. S’y mêlent  raison et déraison, éveils et rêves lumière et obscurité : la trame du tissé poétique est une terre de nostalgie.

Et la nuit devient lumière.

Non loin sur les rives marines

S’emportent les tambourins

Sur des draps de jasmin parfumés

La danse Zorba gémit.

Sentir ces poèmes et les approprier, suscite en nous une émotion exceptionnelle qui nous pousse par la force des choses à saisir et à capter cette lumière invisible qui nous donne la force et nous encourage à supporter ce qui est désolant et décevant dans ce monde.

La poétique chez Monia est éthérée, une  ombre d’été qui abrite la fraîcheur. Une ombre sur une rive où l’on attend… la naissance de la vie.

et moi, encore perdue parmi les flots,

Je tends la main vers un rivage.

En toi je suis née

J’émerge du labour blessé

J’enjambe l’ombre

Et accueille la lumière !

Douze poèmes : douze cris silencieux de l’âme quémandant l’oubli, non pour renoncer à la souffrance mais pour retrouver le fougueux élan d’un nouveau départ vers le bonheur. Douze poèmes vous plongent dans le néant, pour y découvrir, le long de votre traversée des mots, le sens intime du bonheur.

Solitude,

Délivre-moi du souvenir

des années passées
Secoue mes silences

Fais de moi un nouveau-né

ou une feuille que les vents emportent

vers les non-lieux

Des  poèmes océan ténébreux à l’horizon éclairé, des poèmes cascades, des poèmes déluge se déversant dans les fleuves irrigant les champs de mots de sens et de musicalité où nous sommes invités à  labourer à notre tour pour  y planter des roses qui ne se fanent jamais.

Je continue à croire

Que chaque nuage est une pluie

Que toute terre qui reçoit

Fait fleurir les bourgeons

Zineb Laouedj